...Car, quand même, cette Germaine là, avouez qu'elle ferait un bien beau fleuron dans votre troupe mesurée au cordeau de la parité ( et bellement, ma foi) du gouvernement tout frais qui nous arrive... Femme d'abord à la tête haute, portant son identité à la moderne – bien que mariée en bonne et due forme, n'avait-elle pas le toupet de revendiquer son nom d'origine : - « mon nom : fille de Monsieur Necker ! » de ce père là, que vous auriez tant aimé quant à vous, Monsieur le Président, accrocher quelque part au milieu des vôtres, n'est-ce pas ? Femme libre, féministe de bon aloi et comment, tâtant crûment du divorce que lui permettait son ennemi intime, Bonaparte, alignant quelques amants de passage et un ami-amant au long cours ; Benjamin Constant... mais, vous en serez d'accord, votre loi de moralisation de la vie politique s'arrêtera forcément à la vie privée, alors... Femme de partout, femme que n'arrêtait aucune frontière, un temps par son mariage, Suédoise, galopant les routes d'Europe, entre Allemagne et Italie, de Suisse Lemanesque, d'où, peut-être avant l'Autre, sur ses rochers de Guernesey, elle rêva du pays de France dont elle fut quasi constamment exilée. Allant jusqu'à patauger dans les neiges si lointaines de Russie, grand reporter à sa manière... Voyageuse, et des meilleures, Germaine, disant des pays d'Europe ces mots qui ne peuvent que vous donner des idées à débattre dans les prochains sommets : « les nations doivent se servir de guides les unes aux autres et toutes auraient tort de se priver des lumières qu’elles peuvent mutuellement se prêter… on se trouvera donc bien en tout pays d’accueillir les pensées étrangères, car dans ce genre, l’hospitalité fait la fortune de celui qui reçoit » . Et vous porter à suggérer, vous qui savez apparemment si bien trouver le chemin des autres, que le drapeau étoilé de L'Europe, s'honorerait de son portrait, de sa face, comme on disait à son époque. Enfin, femme politique de premier plan, de tout premier droit, elle qui jamais ne put évidemment voter ou porter sa voix dans les cénacles du pouvoir – autrement, mais cette forte influence en vaut bien d'autres, qu'en osant écrire, et de quelle façon, des lettres et des pamphlets, des romans jamais mièvres, toujours engagés, mais habiles, sachant marquer les bornes à ne pas dépasser ; un peu « juste au milieu » à votre façon, à vous. Aimant le vent des idées nouvelles dans la Révolution, frissonnant sous ses terribles abus, bien sûr. Elle devrait vous convenir, ni Droite, ni Gauche, à moins que, et... et. Encore monarchiste sur les bords, à l'anglaise, toujours démocrate façon représentative, intellectuelle convoquant à tire d'ailes les Grands Antiques, pas pétroleuse pour deux sous, mais tellement politique. Convenez-en, Monsieur Macron, cette Germaine est cousue pour vous, vos élans, vos fulgurances raisonnables. De là où elle est, elle a – croyez-moi, voté pour vous et elle marche ; mais méfiez-vous, rapidement – c'est une femme , sans vous quitter d'un œil vigilant, critique, quoique probablement, bienveillant !
Œuvres, Madame de Staël, La Pléiade, Gallimard, avril 2017, Édition de Catriona Seth avec la collaboration de Valérie Cossy, 1649 pages, 65 € jusqu’au 31/12/17
En La Pléiade, enfin, l’œuvre de Germaine de Staël, bien autant pour la femme actrice-arbitre de son temps s’il en fût, que pour sa plume, classique et lumineuse, solide et ambitieuse, comme elle.