« Maître cerveau sur son homme perché » Colloque de l’académie des sciences et lettres de Montpellier, 22 et 23 Octobre 2015
Foule à l’Institut de botanique, bordé, en cet automne lumineux comme peu, par les vénérables branches roussissantes des arbres centenaires du Jardin des Plantes. Plus bel endroit de Montpellier ; faut-il le dire !
Le colloque si joliment intitulé « Maître cerveau sur son homme perché », organisé par l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, offrait – c’est le mot – à tout un chacun, et en termes compréhensibles, un voyage unique et dépaysant : le cerveau, ses dernières découvertes, éclairé de ses imageries, toutes plus ébahissantes les unes que les autres, de ce que nous disent maintenant les Neurosciences, époustouflantes, s’il en est. Pêle-mêle, on y put écouter Catherine Dolto sur « le cerveau et la vie prénatale », s’interroger sur « le cerveau en ébullition de l’adolescent », voir en quoi on peut « agir sur la fonction cérébrale », ou frapper à la porte de « la neurochirurgie éveillée »… Et tant encore. Sachant – bonheur pas mince – que les intervenants, pour savants et pointus qu’ils aient été dans leur domaine, avaient tous cette qualité rare : savoir communiquer et passionner leur auditoire. Lequel, sage et silencieux comme au concert ou à l’église, prenait des notes. Moment suspendu du bonheur d’apprendre gratuitement…
C’est du « cerveau artiste » que j’ai eu envie de vous parler. Toute une après-midi d’une grande richesse. Organisé comme un concert ( et du reste animé en son milieu par le Duo à cordes en sol majeur violon /violoncelle de Mozart ), la séquence nous donna d’abord les clés de « cerveau et littérature » (par Etienne Cuénant), amenant – sélection attendue – Dostoïevski, ses 440 crises d’épilepsie déclenchées par le surmenage et l’alcool, ses addictions au jeu, son goût pour la toute puissance exaltante ; ses personnages toujours en bipolarité ; envers/endroit ; bien/mal. « L’idiot » – épilepsie magnifique, s’opposant aux « Frères Karamazov », épilepsie maléfique. Proust, ensuite, sa mauvaise santé redondante, son hypocondrie, la répercussion de la maladie – et surtout de sa représentation – dans son œuvre. Il paraîtrait qu’on puisse lire Proust « médicalement » comme « Madame Bovary ». Et puis, bien sûr, Nietzsche, le psychotique, à épisodes (rapprochés) délirants. Point commun entre ces trois exemples : la perception de l’urgence de l’œuvre à bâtir ; une certaine façon de muscler la partie « créative » du cerveau pour dépasser la maladie. De l’espoir en fait, pour ces terribles maladies psychiques, qu’on connaît. La créativité est la carte gagnante de certaines pathologies handicapantes. Formidable message. Pour la bipolarité, par exemple, dont l’image de l’IRM projette – sidérés, nous sommes – sur l’écran coloré, cet excès de vitesse d’arrivée des émotions, face à un autre endroit du cerveau correspondant au frein sur leur contrôle, qui, là est trop faible ; ceci avant l’interprétation des émotions elles mêmes. Tout n’est-il pas ici dit ?