A l’homme qui réfléchit
Comme elle est difficile, la danse de Saint-Guy, qui à l’origine fut, on le sait, une maladie des temps médiévaux, lésion du cerveau : le bonhomme s’agitait, comme d’un pas à l’autre, sautant, reculant, habité d’étranges soubresauts, l’œil ailleurs, sinon vide. Si j’en parle, c’est que beaucoup imaginent assez bien actuellement notre président dans ces transes : faire, pas faire, avancer, reculer, sauter, non, remettre le projet. Y aller, ou pas, plus tard, faut voir… J’imagine, moi aussi, comme les analystes, comme tout un chacun, ces bouffées de perplexités, ces trouées d’inquiétude, de fatigue, peut-être quelquefois – à peine – ces visions fugaces sur le gouffre du non maîtrisé, de ce qui échappe, mais je sais, le connaissant un peu, que ce n’est pas Hollande, ça. Que ce sont là, postures plus que réalité, du donner à voir pour perdre le premier journaliste qui passe, un rien parfois, n’en doutons pas, de déstabilisé par le grand vent – on le serait à moins. Forcément. Mais il y a en cet homme des réserves de prudences, de toutes les couleurs, d’intelligence politique hors pair, on le sait, de la ténacité à n’en pas mesurer le fond, du sang-froid, qu’on ne voit jamais au premier regard mais qui ne quitte pas le derrière des sourires, de la résilience à revendre aussi. Quant à la rondeur apparente, diplomate à souhait, elle fait mal quand on s’y cogne – tiens, comment tant de rond peut autant couper aux angles, étrange géométrie… Cet homme – le privé, je n’en dirai mot, mais le politique, le public – est facettes, comme peu. Complexe, est l’homme, plus que compliqué, depuis le début, bien avant l’élection, quand il s’est accordé à lui-même ce droit de se présenter, aboutissement d’un chemin de réflexion personnelle, que je pense avoir été sans concessions, sans place laissée plus que de nécessaire aux influences, à l’opinion de l’entourage. C’était, et c’est quelqu’un qui consultait et accordait de l’écoute à vos dires, et du prix, mais tranchait seul et plutôt silencieusement. Dirigeant politique et non petite girouette mendiant le quoi faire du bec d’autrui, il avait – il a – ce sens de la concertation puis de la décision ; le sens aigu de la concordance des temps grammaticaux n’ayant jamais manqué à F. Hollande ; pas plus que le sens de l’avant, de l’après, figurez-vous. Donc, ces jours-ci, quand on le sent, interrogé, presque sceptique, qu’en penser ? sachant qu’on ne saura pas tout du dedans des choses… Ce qui ne fait pas question, c’est qu’il est l’homme qui a porté, porte et compte porter jusqu’au dernier jour, âpre à la tâche sous de faux airs bonhomme, que les hiérarchies les grandes et les plus fines sont totalement prises en compte, donc que le travail présidentiel n’est pas arrêté par le futur électoral – le sien, j’entends. Encore heureux, me direz-vous. Comparons toutefois, un œil dans le rétroviseur… Pour autant – là encore dans la petite mesure de mes expériences – l’homme butte et risque de butter sur ce qui ne touche pas au tangible : il veut bien nous entendre sur le réel de nos vies – toutes – mais renâcle à s’emparer de nos imaginaires, de nos subconscients, de ces « impressions que, sentiment de » qui pourtant foisonnent et alimentent ces représentations fumeuses et redoutables qui colorent l’opinion aux abois. Il me dirait – sûr – : mais de quoi s’agit-il ? Et les chiffres, la Sécu (quoique, à affiner…), le chômage (jusqu’aux données actuelles, certes, mauvaises), l’effort dans l’industrie, les contrats avec l’étranger, la sécurité et Cazeneuve, la défense et Le Drian, le formidable travail de Valls… le chantier avance, vaille que vaille, et la façon plutôt flatteuse dont Hollande est perçu à l’Étranger – l’homme d’État de l’année – lui donnent raison, au sens où l’Histoire le jugera évidemment mieux que l’opinion. Mais… et, là, je vois d’ici son regard non convaincu, quid justement des tissus de l’opinion, le tangible et le reste, tout le reste, les fantasmes y compris, et les peurs, ah ! les peurs, un domaine étrange pour cet optimiste grand teint. Tout ce qui pèse pourtant, dans les sondages annonciateurs de défaite pronostiquée en défaite claironnée, au même titre que la « réalité », ce qu’on peut attendre et vouloir, raisonnablement, ce qu’on peut admettre et comprendre, ce qui – excusez du peu – est pourtant la partie majeure de la balance, mais qui ne semble plus l’être dans le prisme actuel. Or, nous sommes à quelques petits mois de l’échéance de 2017, et les paroles notamment présidentielles pèsent plus lourd. Droite et Gauche de gouvernement s’étripent à l’intérieur de leurs murs, préparent une armada contre l’adversaire à venir (le bon ? rien de moins sûr). Le maître du temps, hélas, demeure encore Daech – un peu moins cependant – et dans une moindre mesure, son valet, le FN. Hollande, dont une des lectures possibles, partagée avec Mitterrand, est de gérer le sablier du temps politique , laisse dérouler ces mois fébriles attendant les améliorations socio-économiques, l’inversion de la courbe du chômage – il sera passé tout près si cela ne s’avère pas –, croise les doigts pour le difficile à maîtriser totalement, à savoir les attentats, et ne dit plus grand-chose sur sa possible décision de se représenter… Après avoir, des mois durant, appâté sur la question… Plus que silencieux, le président, mutique, attentiste ? Ou prisonnier de sa réflexion profonde et malmenée ? (j’aurais tendance à pencher pour cette dernière hypothèse). Tout, tous, ces heures-ci, retiennent la respiration, de débat en article ; chaque journaliste y pensant en se rasant – va-t-il y aller ? Petit bassin des Primaires ou directement grand bain ? Un bon 13 à 15% en guise de température de l’eau. Frisquet, l’exercice… Alors, s’il m’écoutait… du haut de ma vie (plus longue que la sienne en ce domaine !) de militante socialiste, devenue compagne fidèle d’une Gauche que je crois encore intelligente, du haut de ces citoyennetés vécues pour une part à ses côtés, de 10 mai, en 21 avril, en 6 mai (onsymettous, souvenons-nous) en 11 janvier et en 13 novembre, en drapeaux partout, sur nos visages FB et en celui définitivement particulier de notre 14 juillet de cette année… je comprends complètement l’effort citoyen, presque moral de ne pas abandonner le navire qui coule (ce qu’il a pensé, alors 1er secrétaire du PS, de la curieuse défection de Jospin en 2002, expliquant en partie sa position) et donc, de convenir qu’il lui appartient de finir proprement le chemin, d’autant que, tout mesuré, pas grand monde ne peut le suppléer – entendons, avec le même programme. Par contre, là, où je n’ai pas varié, et où j’attends une réponse derrière le silence presque flou, est ce qui tient à la bizarre cerise d’aller s’agiter en personne dans la piteuse arène des Primaires de Gauche ! je ne vois aucun intérêt, ni pour lui, ce qu’il représente, ses idées politiques, les forces qui l’accompagnent encore, ni pour nous ! Rien qui puisse me séduire ni me convaincre raisonnablement dans le projet d’un Hollande se présentant à des Primaires de gauche – tronquées par ailleurs et dévaluées avant que de commencer. Un président en exercice descendu dans ce petit cirque ? J’ai beau tourner l’argumentaire dessus-dessous (éliminer ceux-ci, légitimer celui-là ; plus démocrate que moi tu meurs, etc.), je ris jaune. Réponses en décembre, Monsieur le Président ? Bien tard, non ? n’y-a-t-il pas des mots de temps à autre, indispensables et rassurants, presque à vocation contenante pour tous ?