Enfin, de vraies vacances pour Michèle Alliot-Marie
Un mensonge, cela peut sembler bien anodin. C’est peu de choses, un mensonge. Et plusieurs petits mensonges, cela reste peu de choses. Juste de l’anodin démultiplié, épiphénomène si l’on compare avec des choses plus graves. Il y a toujours plus grave qu’un mensonge ou qu’un ensemble de mensonges. En apparence. Que la ministre des affaires étrangères de la République française mente à la nation, prenant les citoyens pour des benêts à même de croire que l’on rencontre ses amis, accompagnés de leurs jets, sur le tarmac de n’importe quel aéroport du monde, cela peut sembler anodin. Qu’elle ne sache plus, selon les jours, si un ministre a droit à des vacances ou bien s’il demeure ministre même en vacances, cela peut sembler peu de choses. Que notre ministre des affaires étrangères, « ministre », c’est-à-dire mandatée par la République française, téléphone à un chef d’Etat, rien de plus normal, cela fait partie de ses attributions, quand elle demeure ministre, bien qu’étant en vacances, il y a toujours deux ou trois points à évoquer, de jour comme de nuit, dans le cadre de relations internationales entre pays ayant des intérêts communs. Il arrive même que ces intérêts recoupent un autre commun, celui des valeurs. Ainsi, lorsque la ministre française des affaires étrangères propose les services et le savoir faire de la République en matière de maintien de l’ordre. La qualité de la répression peut être une valeur commune, cela dépend des points de vue. Que notre ministre des affaires étrangères, épuisée par la charge de travail pesant sur ses épaules, sans doute bien plus lourde que celle des chômeurs de Hénin-Beaumont ou des ouvriers de l’Est de la France oubliés par le président de la « république », après de belles promesses mensongères, profite d’un aller/retour sur la côte tunisienne pour emmener ses parents, histoire de faire d’une pierre deux ou trois coups, rien de bien choquant. Après tout, la notion de rentabilisation permanente de l’effort fait partie de son combat politique de toujours, petit soldat d’une conception du monde. Tout cela n’est-il pas dans l’ordre des choses ? Tant qu’à être sur place, autant profiter d’une petite transaction immobilière, veiller à aider au maintien de l’ordre d’un pays ami et limiter les frais du contribuable en profitant de l’invitation d’un copain. Il est évident que la critique déferlant actuellement sur les actes et les propos de Michelle Alliot-Marie est exagérée. On pourrait tout aussi bien la décharger un peu en impliquant son compagnon, lequel était du voyage, mais cela pourrait être pris pour du mauvais esprit. On nous le dit, la ministre des affaires étrangères de la République française a une très haute idée de sa charge et de ses responsabilités. Difficile de contredire un tel argument. Parce que les très hautes idées de Michelle Alliot-Marie ne sont pas nouvelles. Elle est d’ailleurs femme politique de grande expérience, ayant appris les rudiments de ce qui est malheureusement devenu un métier en servant fidèlement Chirac et le RPR d’autrefois. Ces simples trois lettres, avec le recul, pour qui connaît l’histoire politique de Paris à la fin du 20 e siècle, en disent suffisamment long pour qu’il ne soit pas nécessaire d’épiloguer. On ne doutera pas de l’expérience de Michelle Alliot-Marie. Mais l’expérience, cela n’empêche pas de parfois se tromper. Ainsi, lorsqu’elle était ministre de l’intérieur, Michelle Alliot-Marie montait au créneau pour arrêter net un groupe de terroristes français dont la base opérationnelle se situait à Tarnac et dont les objectifs visaient les axes vitaux du territoire de la République française. D’aucuns, à l’époque, demandaient sa démission. Il en est même qui osèrent la « harceler », comme aujourd’hui, si l’on en croit monsieur Copé. Après tout, la conscience de ses hautes responsabilités et de la hauteur de sa charge la conduisait simplement à servir son pays contre d’odieuses menées terroristes perpétrées sur le territoire national et mettant la nation en danger. Il faut vraiment avoir l’esprit mal tourné, un tantinet crypto-marxiste ou gauchiste, pour s’offusquer de choses si banales que la mise en examen, selon les lois antiterroristes, durant des mois, de personnes ayant des conceptions du monde trop différentes de celles du gouvernement pour qu’elles ne soient pas dangereuses. Tout le monde sait bien, aujourd’hui, que Julien Coupat est un dangereux terroriste d’ultra gauche, du type de ceux qui sévissaient autrefois en Italie, et que Michelle Alliot-Marie n’avait aucune raison de démissionner, n’ayant commis aucune faute méritant d’être sanctionnée. Pas plus que récemment. La vie politique de madame Alliot-Marie est simplement une vie semée de bourdes et d’incompétences dont il faudra qu’un jour un historien ou un journaliste fasse la liste. De ministère en ministère, depuis le premier gouvernement Chirac. On trouvera ou plutôt on re t rouvera bien des choses anodines, et même rigolotes. Aussi drôles que bien des actions récentes, quand madame Alliot-Marie, ministre de la justice à peine installée, critiquait la politique d’accroissement des gardes à vue en France, politique qu’elle mettait justement en œuvre quelques heures plus tôt, alors ministre de l’intérieur. En politique, la navigation à la vue de ses simples intérêts personnels, associée à l’incohérence quotidienne, le tout étalé sur une trentaine d’années de participation au pouvoir, cela ressemble fort à de l’incompétence. Oh, bien sûr, l’auteur de ces lignes s’acharne et exagère. Elle n’est quand même pas la seule ! Non, c’est vrai. On pourrait tout aussi bien évoquer sa collègue, madame Bachelot, dont on oublie difficilement la qualité de la gestion d’une crise épidémique majeure, aux frais de citoyens satisfaits de voir combien l’argent de la nation est utilisé avec finesse et discernement, une satisfaction qui explique sans aucun doute l’assentiment généralisé en faveur de la politique de rigueur mise en œuvre par le gouvernement Fillon, sans prononcer le mot « rigueur » cela va de soi. Autant faire preuve de sens des responsabilités, avoir une haute idée du sens du Bien commun et parler clair aux français. Tout cela n’a guère d’importance, pas beaucoup plus que deux ou trois petits mensonges. Et finalement, il est compréhensible que notre ministre des affaires étrangères trouve injustifiés et injustes ces appels à la démission. Comment pourrait-elle comprendre qu’on veuille lui retirer un beau jouet dont elle profite dans l’indifférence générale depuis si longtemps ? Au point que l’appropriation à titre personnel de ce jouet semble être devenue, de son point de vue, la plus simple et la plus incontestable normalité. Un jouet qui porte le nom de République française. Non, la vérité c’est que Michelle Alliot-Marie aurait dû dégager de la vie politique depuis de nombreuses années. Son rôle dans la vie politique française est une faute, et cette faute incombe à ceux qui l’ont nommée aux plus hautes fonctions ministérielles. Comme de toute faute commise dans le cadre des institutions de la République, les responsables devront rendre compte et être sanctionnés.