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A ces professeurs-là… Chronique de colère

A ces collègues, les immobiles, les pires de pires, ceux qui étaient là, le stylo au poing, quand je suis rentrée dans la carrière ; ceux (leurs enfants, peut-être ?) qui sont encore là, la souris au poing, des années après ma retraite sonnée. Quand cela finira-t-il, la litanie des plaintes en tremolos, souvent faux qui plus est, de ceux qui ne veulent JAMAIS entendre ni les raisons, ni les façons de réformer (juste un peu) l’Éducation Nationale. Énième projet de réforme des collèges. Gauche au pouvoir ; on vote pour eux, non ? Les affects compliquent la crise…  Que le collège soit le maillon faible du circuit et de plus en plus dramatiquement, c’est un fait aussi dur que le système solaire et son fonctionnement. Que l’élève de collège, naviguant au plus juste entre vague réformette de l’orthographe, bidouillage des obligations en mathématiques, et changements prétendument structuraux en Histoire-Géo, ne retrouve plus depuis des lunes son chemin – ni les donnés pour bons, ni les considérés comme nuls – c’est aussi acté que 2 et 2 font 4. Mais, baste, peu leur chaut, semble-t-il, à ces gens dont le métier, que dis-je, la mission est la plus haute qui soit : former l’élève, l’élever – un avant, un après. Qu’on me comprenne bien. Je ne saurais m’en prendre – même après toutes ces années de bonheur d’avoir enseigné, devant classes pleines, l’Histoire, la géographie, l’éducation civique, et la citoyenneté dans un collège en Corrèze – à ces collègues, ou ces anciens professeurs stagiaires que j’ai fréquentés, épaulés, parfois conseillés, et qui, pleins de bonne volonté, flanchaient, ça et là, au détour d’obligations, de modifications, dont les noms seuls surnagent dans ma mémoire (Projet d’action éducative, 10%, Parcours diversifiés…). Qu’on fléchisse un peu sous l’averse poétique et si notoirement lisible des contenus d’obligations de programme pondus par le ministère, si loin des rangées de nos classes, ce n’est que normal, humain. Sain, même. Non, ce ne sont pas d’eux, dont je parle ici – autrement dit, je ne m’adresse pas à la majorité des professeurs. Mais à une petite, solide troupée qui campe, voyez-vous, dans le Non perpétuel – idem, les concessions des cimetières ! – et dans le « moi-je, mes cours à moi, mon emploi du temps-le mien, mes élèves à part, tellement mieux que la masse, et le toutim ». Vous les connaissez, que vous soyez parent d’élève, collègue, chef d’établissement. Les inspecteurs les connaissent. Chikungunyas de malheurs : ceux qui bloquent l’avancée du train, en se couchant sur les rails. Que nous serinent-ils encore cette année – copié-collé de ce que polycopiaient au bleu qui tache, leurs quasi grands-parents : comme à chaque projet de réforme ! le niveau baisse, ma pov’dame, on tire vers le bas. Dans le grand trou – l’Inferno des images d’Epinal, pas moins – les gamins, happés par les plus faibles ; les leurs, les dites têtes de classe. Sachant que leur définition de « tête de classe » est facile, simplette, fausse ; c’est l’excellence scolaire en caricaturée : mémoire récitative et accumulative, capable – fi l’ordi – de vous cracher en un temps record les déclinaisons de ce pauvre latin menacé, les dates de l’Histoire de Mallet (enfin, les dates !!), salivant, ou pas loin, – las, ça ne se fait plus –  sur les départements, leurs préfectures… cliquer sur Google ? vous n’y pensez pas ! Où serait l’élégance, ou le goût du sport… Je vous entends d’ici : – elle en a contre le Latin, l’Allemand première langue, elle ne comprend pas les attendus culturels et gratuits de ces types d’apprentissages ; chut ! elle cautionne le nivellement, mais elle est de mèche avec le gouvernement… Sus à la traître… Or, c’est leur « façon » d’enseigner que je ne supporte pas, maintenant encore moins qu’hier. Je les vois encore ; je sais d’avance qu’ils existent encore – une « espèce » à part, inamovible : ils étaient – ils sont – « en » « lettres classiques » (les « modernes » savent-ils lire ?), en Allemand – la langue qui, mise au bout du latin, fabriquait sans faute un élève « trié » dont le passage dans un bon lycée était écrit dès le septembre de la 6ème. On en rencontrait encore quelques-uns dans les matières dites fondamentales ; mathématiques (discipline la plus facile à enseigner) aux mains, en ce cas, de (vous avez dit, professeur ?) frigides de toute pédagogie, voire de tout élève. Qu’on m’entende bien encore, là : je n’ai rien contre le contenu, en soi, de ces matières – hors l’absolue impossibilité de garder TOUS les enseignements dans leur jus d’origine, et le temps imparti  qui va avec ; tous, y compris chez moi, en Histoire géo, mes amours – mais contre l’absence d’inventivité, d’adaptation, de prise en compte du réel aussi, de certains de leurs maîtres. On peut enseigner en interdisciplinarité, par exemple, un latin d’excellent cru, ou porter (j’en ai connu !) un Allemand vivant et leader, boostant tout un collège, en « sachant » enseigner ! Rien que ça, mais tout ça.  J’habitais, moi et mon Hist-Gé – quelle chance, ce mi-pente des matières avec les Sciences et vie de la terre, quelques physiciens. On nous cherchait moins noise (apprenait-il au moins ses leçons, le drôle !) On nous regardait quelquefois de haut, en voulant nous mesurer la parole dans les conseils de classe… Mais, souvent, nous, on faisait dans le projet, l’interdisciplinarité était notre langue naturelle ; du coup, on gagnait nos galons. On se remuait d’année en année – quelquefois vainement – de programme nouveau en nouveau programme. Ça marchait ? Pas toujours, mais souvent. On n’avait pas l’impression de « les tirer vers le bas » ; oui,  la culture (celle qui bouge avec le gamin ; pourquoi refuser ce nom aux films, aux BD ?) toquait même assez souvent à nos portes. Le prof-heureux ; le prof-capable et adaptable ; celui – fonctionnaire- qui a le sens du service public ; il en reste, Najat ! j’en ai vu – encore plein – dans les salles des profs. Continuez, tenez bon ! Ça passera ; il faut que ça passe…

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