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Good job, Jobs !

Aïe ! Je veux dire « I » comme Imac, Iphone, Ipad. Bientôt on pourra même parler de l’IMediapart ou de l’Ireflets du temps ? Je ne m’en plains pas, je suis un « Apple victim », toujours un des premiers à acheter le nouveau produit venu de Cuppertino. Imac, Macbook, Ipod, Iphone, Ipad, Iphone 4. C’est le « Aïe-porte-monnaie » !  Je ne pousse pas le vice jusqu’à me prosterner à l’entrée des temples les jours de naissance divine. Je ne fréquente ni les sectes ni leurs adorateurs. J’ai vu à la télé naguère un malheureux égaré qui prenait l’avion pour New-York afin d’être le samedi d’ouverture de l’Ipad devant l’Apple Store de la 5th Avenue. Il expliquait qu’il se payait comme ça non pas le produit lui-même mais le bonheur irremplaçable de « la ramener » pendant les 3 semaines en question en exhibant l’objet sacré devant les copains. « T ‘as vu mon Ipad ?  Y’en a pas plus de dix en France ! ». Des esprits mal tournés diront que naguère, les jeunes garçons frimaient plutôt en comparant autre chose qui relevait aussi du Totem… Mais il me faut être honnête : ce sera un vrai bonheur pour moi aussi, sexygénaire, de frimer avec mon Pad pour lire « Mediapart» ou « Reflets du temps » au troquet du coin. C’est parfaitement génial Apple : comme disait Roland Barthes (par exemple à propos de la DS de Citroën), leurs objets commerciaux entrent d’emblée dans les «  Mythologies », c’est-à-dire les syntagmes symboliques dominants d’une époque. Je ne veux surtout pas rentrer dans le moindre propos technologique, mais quoi, il y a bien un truc Apple ! Des baladeurs MP3, il en existe de toutes marques, avec grosso modo, les mêmes fonctionnalités. Eh bien non, c’est Ipod qui, au-delà de la marque, s’est imposé comme un nom commun. Des Smartphones pareil ! Non, c’est Iphone, rien d’autre. Ce sera la même chose avec l’Ipad, le pari est gagné d’avance. On peut se perdre en débats sur les performances technologiques, les manques, les lenteurs, les redondances de l’outil. Le phénomène de société n’est pas là, il est…que c’est un phénomène de société. Ca veut dire que la firme à la Pomme a réussi un coup fabuleux dans l’histoire du commerce moderne : tout objet qui sort de ses usines n’est pas un objet, c’est un culte. Mieux encore, c’est un culte avant d’exister. Nous ne sommes donc plus dans l’espace signifiant du commerce mais dans celui exclusif de la communication. Le signifiant « Apple » ou « I » n’a plus de rapport avec le signifié (ordinateur, téléphone, baladeurs, tablette numérique). Il existe en tant que tel. Il ex-siste aurait dit Lacan, c’est-à-dire qu’il a une vie autonome, hors de l’outil désigné. C’est bien le but de toute com commerciale : faire connaître le nom d’une marque plus que l’objet proposé. Rappelez-vous, les (jeunes) anciens : on disait «  Frigidaire » pour réfrigérateur encore il n’y a pas si longtemps. J’ai souvenir des années 90. La meute des pécéistes fanatiques (ceux qui ne juraient que par PC) annonçait tous les deux mois la mort de la firme de Cuppertino. « Jobs boit la tasse » « Il y a un ver dans la Pomme » titraient alors les magazines spécialisés. Pas seulement eux d’ailleurs, les magazines tout court sonnaient les trompettes des morts pour Mac. Nous étions quelques-uns, navrés et éperdument amoureux de nos Mac (pas « I » à l’époque) depuis l’Apple des années 80, à nous dire que les pommes étaient cuites hélas. Pas ou presque d’applications pour Mac, pas de compatibilité avec l’écrasante majorité des parcs informatiques existants, prix exhorbitants du matériel comparé aux PC. Bref la déroute était en marche. J’ai même, Ô horreur, essayé de voir à cette époque comment ça marchait un PC ! Un souvenir terrible pour moi : où sont les dossiers, où sont les applications, C kwa « sous E »,  « démarrer » pour « arrêter », qui suis-je, où vais-je, d’où viens-je ? L’enfer. C’est ça l’enfer : un monde sans Mac ! Evidemment, je ne suis pas guéri. Les addictions, ça ne se soigne pas comme ça. Surtout quand on ne cherche pas à les soigner. Et je ne cherche pas à soigner la mienne. Au contraire, je bichonne, je cajole, je cultive. J’ai même collé depuis des années une pomme blanche sur toutes mes voitures successives. La semaine dernière, attablé à une terrasse de café, j’ai vu venir vers moi un brave homme qui me demande : « Pardon m’sieur, c’est à vous l’Audi  noire garée là ? » « Oui. Pourquoi ? » « Non, c’est juste que je ne savais pas qu’ils faisaient une série « Apple » chez Audi ! » Je sais, il y en a qui se disent mais de quoi il parle, un ordinateur c’est un ordinateur, un téléphone c’est un téléphone, tout ce qu’on demande c’est que ça marche un point c’est tout. A quoi sert tout ce tintamarre autour d’une marque ? Bonne question. A quoi ça sert ? Qui ça sert, ça on le sait : La firme de Cuppertino, qui a fait en 2009 des bénéfices pharaoniques. A qui ça sert, on le sait aussi : les millions d’utilisateurs de tous les « I » qui existent, les millions de fans, atteints à des degrés divers par l’applepathologie. A quoi ça sert : ça, c’est beaucoup plus obscur ! Au-delà des fonctions d’outil destiné à écrire, lire, surfer, téléphoner, écouter de la musique, gérer sa cave, sa bibliothèque, communiquer avec les amis, il reste une fonction mystérieuse, celle qui fonde la passion quasi érotique des « Apple victims » comme moi. Peut-être que pour en approcher le secret, il faut aller aux sources du « miracle » Apple : ils ont trouvé « la matière dont sont façonnés les rêves » (« such stuff as dreams are made on » William Shakespeare. The Tempest) ! Good job Jobs !

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