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Dominique Venner ou les ambiguïtés du néo-paganisme

Ambigu, ce Dominique Venner, défenseur acharné de l’Algérie française, admirateur des corps francs allemands des années 20 (cf. son ouvrage sur le sujet, Baltikum ) et de leurs apologètes, Ernst Jünger ou Ernst Von Salomon – qu’il lisait dans le texte – directeur de la Nouvelle Revue d’Histoire, revue partiale, voire extrémiste, mais bien documentée et publiant des articles parfois fort intéressants… Mort pour le mariage strictement hétérosexuel ? S’inscrirait-t-il dans la lignée des suicidés pour une cause ? A côté d’un Jan Palach s’immolant par le feu, en 1969, pour protester contre l’invasion de son pays par l’armée soviétique, l’année précédente ; ou d’un Mishima, faisant seppuku en 1970, après l’échec de son coup d’état visant à restaurer les pouvoirs de l’empereur ? Venner était certes homophobe ; mais les haines qui l’habitaient étaient diverses et variées : dans son dernier message, publié sur son blog le jour même de son suicide, il cite un prétendu blogueur musulman, clamant que « dans quinze ans, les islamistes seront au pouvoir, et ils supprimeront cette loi (la loi Taubira) ». Vieux fantasme de l’invasion des immigrés, telle que colportée par son ami, Jean Raspail, notamment dans son roman – très apprécié par Venner – Le camp des saints … Il est cependant une aversion de Dominique Venner dont on parle peu et qui – peut-être – explique largement son geste : Venner était anti-chrétien. Dans son blog, le 3 avril 2012, il évoque cette « curieuse religion instaurée non sans mal ni conflits cruels par les disciples et successeurs du divin Christos ». Pour lui, le triomphe du Christianisme relève d’une magouille politique fomentée par les empereurs romains. Dans un édito de la NRH en date du 30 octobre 2012, il écrit : « c’est parce que “Rome n’était plus dans Rome” depuis longtemps, que les empereurs, à la suite de Constantin et Théodose (et malgré l’opposition de Julien (1)) décidèrent, pour des raisons hautement politiques, d’adopter cette religion (…) En trois gros siècles, la petite secte juive des origines était devenue une institution sacerdotale frottée de philosophie grecque, que saint Paul avait ouverte aux non circoncis ». Venner rejoint là le vieil antichristianisme des nazis : ceux-ci voyaient – et à juste titre ! – le Christianisme comme une excroissance du Judaïsme, un miasme sémitique, corps étranger dans la culture aryenne (il est d’ailleurs hors de doute que si le régime avait perduré, une fois les juifs exterminés, c’eut été au tour des chrétiens d’être persécutés). Venner, dans un entretien à l’Action Française, datant de novembre 2011, propose ainsi de s’abreuver à nouveau à la source même de la pensée européenne, par-delà la distorsion judéo-chrétienne qu’elle a subie depuis deux millénaires : « il faut en revenir au tout à fait pur, aux sources fondamentales de notre civilisation, qui sont antérieures au Christianisme. Il faut en revenir à Homère et aux fondements granitiques des poèmes fondateurs ». Homère, le père, à ses yeux, de ce qu’il nomme « l’européanité » : « héritage spirituel qui trouve son expression primordiale dans les poèmes homériques », ainsi qu’il la décrit dans Histoire et tradition des européens, 30.000 ans d’identité . Le nazisme fut, sur un plan « spirituel », un néo-paganisme. Rudolf Hess était un sectateur de la société de Thulé, dont l’emblème était non l’inoffensif swastika indien, symbole de la roue des renaissances, mais la croix de Wotan, dieu majeur du panthéon germanique, dieu en particulier de la guerre (cf. all Wut : la fureur). Le salut de cette loge secrète, « Heil und Sieg » fut d’ailleurs repris par Hitler. Le GRECE ou la Nouvelle Ecole, dirigée par Alain de Benoist, et dont Venner était très proche, incarnent de nos jours cette extrême-droite néo-païenne, qui curieusement cohabite, au sein du Front National, avec les cathos tradi. Venner se passionnait pour les armes à feu, auxquelles il avait consacré un livre, disciple contemporain du grand Wotan. Si se trouvait là la clef qui explique sa fin théâtrale : faire sien le combat homophobe de l’Eglise, tout en profanant – par le meurtre de lui-même – une cathédrale ?!!!!   (1) Il s’agit, bien sûr, de Julien l’Apostat, successeur de Constantin, auteur d’un hymne – d’ailleurs magnifique – au roi Hélios, et qui rétablit, sous son règne, les cultes païens.

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