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Elle s’appelait Sarah Halimi

ACTUALITE   Est-ce le résumé de tout ce que je veux écrire ? Est-ce un titre ? Un chapô, une prémonition, une conclusion, une chute ? Elle s’appelait Sarah Halimi et ces deux noms cognent un peu trop fort à nos mémoires. Certains réclament vengeance, d’autres sont en prière. Peut être nous faut-il des mots, ceux qui manquent. Dramatiquement, incompréhensiblement. A ce jour, pratiquement seule la presse « communautaire » en a parlé. Dans la colère, voire l’outrance, souvent, hélas*. Nos grands médias pourtant si bavards, si prompts à décrire les frasques sexuelles d’un homme politique ou les confidences aigries d’une femme trompée… Cette presse si friande de petits riens et autres phrases débiles glanées au milieu de discours politiques, ces médias dont beaucoup auront apporté leur pierre à cette drôle de « décivilisation » qui nous défait tous lentement mais sûrement, ceux-là n’ont pas encore relaté ce terrible meurtre commis mardi dernier à Paris dans le 11e arrondissement. Sarah Halimi, médecin et directrice de crèche, a été assassinée dans la nuit de lundi, battue puis défenestrée vivante de son balcon du 3e étage. Que ceux qui croient revoir une triste scène du Pianiste de Polanski quittent la salle et rangent leur paranoïa… à moins qu’avec de Niro, on puisse redire sa réplique : « n’oublie pas que même les paranos ont des vrais ennemis… » Et ces ennemis tuent encore. Son assassin est un jeune homme de 27 ans, un voisin « déséquilibré ». Certains n’ont mentionné que sa religion, « musulman », car, à leurs yeux, cela devrait immédiatement signer le crime… D’autres ont écrit un peu vite qu’il parlait arabe, ce qui est peu probable chez cet homme d’origine africaine. D’autres ont parlé de coran brandi, de coups de couteau, ce qui n’est pas avéré. Mais des voisins auraient bel et bien entendu Alalou Akbar, le fils de Sarah aurait évoqué d’autres agressions, des insultes antisémites répétées. Aïcha, une voisine de Sarah, rencontrée dimanche à la marche tient pourtant à me dire : « vous savez, on vit tous ensemble finalement » et elle me murmure : « c’était un drogué, il insultait tout le monde »… Une enquête est en cours. Le procureur de Paris, François Molins a répondu aux inquiétudes en acceptant d’échanger sur l’enquête en cours. Il a expliqué qu’à ce jour, il était « impossible » de savoir s’il s’agissait « d’un acte antisémite ou pas ». Dans le « ou pas » se loge désormais la vigilance républicaine dont on doit se féliciter. Selon lui, rien ne permet de retenir le caractère antisémite et rien ne permet de l’exclure. Avant d’entrer par le balcon de sa voisine, le meurtrier aurait d’abord tenté de pénétrer chez ses voisins maliens… Voilà qui fragilise la thèse d’un meurtre antisémite prémédité. L’histoire devrait-elle pour autant s’arrêter là ? N’aurions-nous le choix qu’entre la « désinformation » et le silence ? Quel est ce non lieu qui vient contrer les « rumeurs ». Quel est ce nom « juif » qui toujours excède, un nom qui, s’il n’est pas crié, doit vite être effacé ? Et si la vérité était au milieu ? Et si la judéité de Mme Halimi avait été une circonstance aggravante, un accélérateur de déséquilibre ? La chose hélas ne serait pas nouvelle. Peut-être n’en saurons-nous jamais rien. Pourtant, même s’il s’agit d’une femme anonyme défenestrée par un assassin sans nom, ce crime atroce et pour le moins singulier aurait peut-être mérité une indignation et un traitement médiatique autre. Il m’est difficile d’oublier que la défenestration d’un chat, l’an dernier, avait alors bien davantage fait couler encre et larmes… J’étais dimanche à la marche blanche, bouleversée par la dignité pleine de chagrin de ces Juifs du quartier pour la plupart. Étonnée et rassurée encore une fois de l’écart qui existe entre la « décence ordinaire » de ces gens dont parlait si bien Orwell et les gesticulations de certains « représentants » et autres irresponsables communautaires. Plus de mille personnes endeuillées ont défilé, la plupart tenaient une rose blanche que nous sommes allés déposer dans le jardin intérieur de l’immeuble, là où Sarah a trouvé la mort. Certains portaient des pancartes : « Nous sommes trop gentils, souvenons-nous de Varsovie ». Le passé est décidément trop lourd, la longue solitude juive que j’ai un peu racontée* trop présente encore pour que l’on puisse se satisfaire d’un entrefilet dans la presse. D’un « circulez y’a rien à voir ». Il y a à voir, à informer à essayer de comprendre, peut être même à y renoncer, il y a à s’interroger et surtout il y a à pleurer.   * Le Crif, face à de folles rumeurs aux relents parfois nauséabonds a choisi, avec une grande dignité, la prudence. * Auteur de Que sont mes amis devenus : les Juifs, Charlie puis tous les nôtres, aux éditions le bord de l’eau.

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