Actualité 

Le piège

Les faits. Ce 7 Janvier de malheur absolu et 10 ans avant, les caricatures de Mahomet (certaines, des danoises d’origine) relayées avec un courage bien rare par les « une » de Charlie Hebdo. Le séisme. Touchant (à ce point, c’est l’unique réconfort), toutes ces foules françaises mélangées, rebondissant dans les dires justes, de presque tous bords, des Politiques, hiérarchies religieuses et autres grandes voix intellectuelles. Mais maintenant, le piège, la tenaille, ses dents de fer, se refermant si l’on n’y prend garde sur une société, telle qu’elle est aujourd’hui, dans l’état – pas brillant – où une armada multifactorielle l’a mise ; et depuis longtemps. Le piège qui les ferait gagner – double bingo – eux, ces démons des temps modernes. Gagner, et pour si longtemps. « On a tué Charlie », hurlaient-ils, et si s’ajoutait : « on a éclaté la société, la République ! ». Parce que chez nous, se tenir les coudes devant l’adversité, négocier le temps du vent mauvais, croyez-vous que ce soit de saison ? De même que, repérer – et savoir s’y tenir – les lignes, non de fracture, mais de points communs, être dans l’ensemble et non dans le moi, face aux autres, franchement, avez-vous souvenirs que ce soit là, le portrait de la société française, des banlieues aux rues chic, en baguenaudant sur les chemins de campagne. « Ma France » aurait chanté l’autre, n’a plus beaucoup de traits d’union… Elle n’est plus que clivages aboutis ou en gestation, déchirements, chagrins et contrariétés tels que seule la chasse au bouc-émissaire la soulage. En tous cas, on dirait ! Et, là, on ne manque de rien, ni de personne : assistés, émigrés, marginaux de tous poils, font l’affaire des ires bruyantes à tous les étages, et – morceau de choix – les Musulmans, madame ! les Arabes, c’est bien pareil, ma chère ! tenant haut le rôle anciennement dévolu aux Juifs, dans cette partition de malheur. Clivage, du reste, encore, que seraient ces positionnements faussement bonhommes et généreux, qui se tourneraient vers nos concitoyens de confession musulmane, en leur demandant de « donner l’exemple », autant dire de répondre des « leurs » ?? de devoir, finalement, présenter plus de preuves de citoyenneté que le Français Lambda ? Alors, si l’on croise les Événements actuels avec cette grille particulièrement tolérante et apte au vivre ensemble, convenez qu’il y a péril en la demeure… et que c’est effrayant ; la vague, la plus grosse à l’horizon de la plage, dans l’Océan Indien de l’hiver 2004. Le piège est là, tendu, silencieux, derrière la fusillade, presque autant menaçant, presque aussi mortifère, achevant nos amis de Charlie et les policiers, d’un coup de grâce implacable, et pour longtemps, puisque là, c’est le tissu républicain tout entier qui peut en ressortir troué à mort. Car – mot qui revient partout – dans le discours du Président, comme dans celui des autorités religieuses notamment musulmanes, le risque majeur, c’est l’amalgame, et tout ce qui lui ressemble. Tout ça, c’est de l’Islam ! non ? Évidemment, non ! c’est de l’Islamisme, du fondamentalisme, du Djihadisme ; au bout, du Terrorisme instrumentalisant la religion musulmane. Quelqu’un rappelait utilement hier, que « le terrorisme n’a pas de religion », et ajoutons, l’utilise, comme instrument, partout, comme lien possible, facteur d’identité, l’agitant comme ailleurs, le nationalisme exacerbé. Alors, prenons bien garde que ces foules sympathiques – le crayon à la main, aux slogans dont l’austérité fait sens, par l’excès de pathos évité ; ces foules à l’évidence d’intellectuels, et aussi de « simples gens » mais dans un courant de bien-pensance attachés à la liberté d’expression, à la laïcité pour beaucoup – ne cachent une forêt plus difficile à toucher, encore plus à convaincre. Le piège, également serait de croire que les courants de pensée, l’opinion, se limite à ces manifs, à quelques convaincus sur les réseaux sociaux. Sous la surface, l’océan risque de demeurer sombre et menaçant, sauf à être labouré en vraie profondeur. Certes, on peut espérer que le moment puisse baigner dans les « rassembler, ne pas se séparer, ne pas se diviser » qui émaillaient les discours, et de François Hollande, et de Nicolas Sarkozy (lequel a la mémoire bien courte sur son sport passé préféré, le clivage) mais ne nous laissons pas emmieller, endormir. Le plus beau des slogans : tous pour la République ! demande une vigilance constante… et un travail de fond.

Vous pourriez aimer lire: