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Psychanalyse de l’Algérie

Tu es dans le ventre de ta mère. Tu sais déjà quel sexe tu auras ; c’est expliqué par la sagesse de l’ISLAM avant la naissance des théories de l’ADN et la fabrication des préservatifs. Tu seras un garçon parce que ton père, n’ayant jamais fait l’amour avant le mariage, se précipite en domptant ta mère et éjacule toujours le premier. Tu sais en outre à qui tu ressembleras parmi ta généalogie : cela dépend de la quantité du sperme reçu par ta maman. Tu commences déjà à souffrir et tu as peur de naître dans cette Algérie, de passer de la lumière à l’obscurité. Tu entends ton père gronder, cracher, frapper. Tu naîtras mince, svelte, au visage basané et cahoteux : ta mère ne reçoit aucune vitamine et te nourrit à présent de sa chair et de son sang : ton père, au lieu de bien vous nourrir, dépasse la fourmi en avarice, pour construire davantage de murs, acheter davantage de parcelles. Après des jours d’acrobaties dans le ventre maternel, les anges transmettent ton dossier en traversant les cieux. Tu verras le jour bientôt. Ils fouillent les archives à la recherche des codes génétiques de ta généalogie : ils te choisissent des membres selon des calculs mystérieux, et Dieu te Façonne à la fin un visage et Souffle sur toi pour te donner une âme, cet élément qui mangera au fur et mesure ton corps. Accouchement. Ta maman a mal. Tu bouges dans son ventre. Elle est dans un piètre hôpital public : murs fissurés, obscurité, bruits stridents, cris, odeurs puantes… La sage-femme arrive dans cette chambre où ta mère est entassée parmi cinq malades. Elle crie sur ta maman : « allonges-toi salope ! Pourquoi tu fais des enfants et tu viens m’emmerder après ? ». Ta mère sue, pleure, crie, cite tous les noms de Dieu. La sage-femme, au paroxysme de la colère, te tire du ventre. Ta mère s’évanouit. Bienvenue à l’obscurité ! Tu lances le premier cri qui, selon la tradition, montre ton contact avec ton jumeau invisible : c’est le Qarine , un djinn qui connaîtra tout de toi et aidera le sorcier à t’espionner. En fait c’est une sorte de Horla religieux. Tu sais déjà quel prénom tu auras. Mohammed, comme ton père, ton grand-père… « C’est le prénom du Prophète qui apporte de la bénédiction » dit ton père hypocrite. Tes membres sont durs. Tu joues dans la poussière avec les enfants ; tu reçois les premiers cris, les premières gifles. Après quelques années, la maladie d’Algérie commence à pousser en toi. Tu découvres la masturbation et tu en fais ta religion d’adolescent : tu risques de gommer le chapeau de ton trésor merveilleusement orné le jour de ta circoncision. Tu tombes amoureux de loin. Tu parles mais aucun mot ne sort. Tu es encore un spectateur d’une pièce absurde. Jeune, tu tombes amoureux de près. Un coup de foudre. Une jeune fille déjà trompée, te trompe. Tu jettes ton cœur dans un parc de recyclage et tu le remplaces par un objet en acier ramassé quelque part. Tu apprends à fumer les mégots. Ensuite, tu fais ton contact philosophique avec la mer qui offre toute sorte de drogue. Ainsi, tu apprends à voler d’un ciel à l’autre en modelant les nuages : c’est l’effet magique de la drogue. L’immigration clandestine à bord d’une petite barque envahit ta tête solitaire. Tu as ton bac. Bonheur éphémère. Encore une étape de ce complexe qui t’habite et que tu ne sais pas encore analyser. A l’université, tu dors parmi les djinns et les rats, bercé par l’odeur de la pisse venant des toilettes sans portes. Bien que tu fasses des efforts énormes, d’autres étudiants te dépassent par le cul ou l’argent. Tu sors avec une étudiante qui te laisse tomber en chassant un homme riche, un ignorant qui se baladait avec sa belle voiture près de l’Université. Là, ton corps devient un studio exigu pour une tribu de traumatismes refoulés. Tu as ton diplôme. Aucun travail. Parce que tu es digne, tu n’aimes pas te laisser piétiner en offrant du miel ou des liasses. Tu fais des demandes de visa l’une après l’autre et tu accumules cependant les refus, parce que tu es un Algérien qui ne pourrait jamais privatiser une plage ou un magasin de luxe, parce que tu souffres encore du complexe d’infériorité. Tu apprends alors à boire, à devenir léger et sage en transformant des grappes de raisin en châteaux de coton. Tu prends la barque avec tes amis que tu détestes. L’autorité européenne vous pêche et vous donne un coup de pied à chaque fois. Tu commences à vieillir malgré ton jeune âge : ta barbe brise les lames, tes cheveux sont blancs, et ta bite jamais utilisée devient ridée, rouillée, et habitée par les algues. Tes parents ont peur pour toi. Ils veulent te marier avec une voisine. Tu la connais très bien : quand tu étais adolescent, elle te montrait son cul dans le patio et tu t’exhibais derrière un figuier maudit. Tu refuses fermement. Tes parents visitent le sorcier du village. Un liquide préparé à l’aide des djinns qu’on te met discrètement dans le café. Tu tombes dans les rets, tête la première. Ton mariage célébré. Tu cherches à savoir comment tu as accepté cette femme tant détestée. Tu ne le sauras jamais. Tu commences à travailler un jour en t’arrêtant des semaines. Tu hais ta femme qui n’est qu’un champ que tu laboures par tradition. Tes membres se chamaillent, tes câbles se frôlent, tes châteaux s’écroulent, et tes nuages se fondent. Alors, tu découvres la technologie et tu vis dans un monde virtuel car tu ne peux pas t’adapter à cette Algérie. Bref, tu as peur de la vie parce que tu aimes la mort. Tu finis ainsi par te détester, ayant peur des autres et de toi-même. Enfin, tu deviens vieux. Ton dos est courbé, ton dentier se jaunit, et ton cul se fusionne dans ton dos. De loin, on ne sait pas si tu viens ou tu vas. Tu laboures ta femme par colère et tu lui fais le premier enfant, l’aîné d’un chapelet infini. Ton enfant est dans le ventre de sa mère. Il sait déjà quel sexe il aura : c’est expliqué par la sagesse de l’Islam avant la naissance des théories de l’ADN et la fabrication des préservatifs.

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