De la politique…
Même si gouverner, en ce bas monde, c’est pagayer par tous les temps, entre tenir le cap et s’adapter. Même si être maître d’un calendrier, par ces étranges heures, n’est pas donné au meilleur des présidents… force est bien de constater que ça bégaye quand même un peu trop, là-haut, et que la visibilité si chère aux médias en prend un sacré coup. En décembre entrant, il fallait ne pas sentir l’air du sinistre temps qui nous tombait dessus, pour faire la fine bouche, et sur la nécessité d’un long état d’urgence, et sur les mesures – symboliques mais fondamentales – qui l’habillaient, tel le projet de déchéance de nationalité. J’avais alors dans RDT, publié un texte, que je signe à nouveau quelques petits mois après. Chronique favorable à la mesure, au nom de tout ce qui fait les valeurs de la République, côté gauche, accessoirement – mais, pas que. Dessous, quelques commentaires l’appuyant, ou le bémolisant ; les franchement contre n’étant pas du voyage, ou, on peut le supposer, gardant un silence – attentiste ? ou franchement « rebéqué » (– pas content – en langage XVIème siècle). Seulement, tout ça fut lancé en débat public, avec fracas ; débattu ça et là, avec passion – française, bien sûr – mais avec rien de nature à le faire avancer, puisque confisqué d’entrée par des juristes au langage fort peu pédagogique ou constitutionnalistes précautionneux. Que n’ont-ils, du reste, ceux-là, été consultés d’abord dans l’ombre des cabinets ministériels, nous évitant, du coup, ces arrachages de cheveux autour des apatrides qu’on s’apprêtait dare-dare à fabriquer en masse, en assurant que – non, les bi-nationaux ne seront pas discriminés, puisqu’on chassera aussi du sol national, les « de souche »… Quand j’enseignais, certes, un élève, après un conseil de discipline, pouvait être exclu de son collège ; à condition de lui avoir trouvé dans un autre lieu d’enseignement un point de chute, sinon le puni se retrouvait dans la rue… Précipitation au plus haut de l’État qui reconnaissons-le met mal à l’aise. Et puis le calendrier : frôlant les records d’approbation au début, le projet ces jours-ci rétrécit au lavage du temps qui passe, de la lassitude d’entendre toujours parler de ça (– du nouveau ! Svp, enfin !), de cette dérive moutonnière qui fait qu’on se laisse aller à penser vite comme les autres, au lieu de tenter de réfléchir par soi-même – or, les « autres » ont eu le temps de se manifester – que de débats télévisés ! – et de manifester : défilés contre l’État d’urgence, qui « tuera nos libertés et ne nous protégera pas » (affichettes dans ma rue, ces jours-ci). On nous annonce bon an, mal an, un petit 60% d’opiniâtres opinions encore favorables. J’en suis encore. Mais, je déplore, de jour en jour un peu plus, la manière, le protocole, la gestion des calendriers. On en arrive à se demander, si au bout du processus, tout, ou presque ne confinera pas au contre-productif. On voulait rassembler, on divise ; on voulait faire front ; on expose ses failles… continuez vous-même ! Car, ce qui était visé, n’était-ce pas d’abord un tissu socio-politique, et des mentalités collectives, soudés autour de la menace, et des réponses républicaines. Qu’on m’explique en quoi un individu s’étant retourné contre son pays, de la manière induite par le terrorisme, peut ne pas être mis en dehors de sa communauté ? Éminemment, voire exclusivement symbolique ? Mais, enfin, la politique, c’est du symbole ! C’était facilité par les demandes citoyennes, celles de la Droite (de l’Extrême Droite, aussi) ; davantage de réserves à Gauche, qu’obsède à juste titre le fameux droit du sol. La politique, en ces domaines et contextes, est un art – très proche de la musique. Quels instruments ? à quels moments ; quel dosage dans la hauteur des sons ? du pianissimo, mais quand ? des fortissimo, mais où… l’homme à la baguette nous offre l’émotion du chef-d’œuvre ou la cacophonie… Que n’a-t-on pas lu sur le sujet ! Garnissant la copie, le couplet sur la politique politicienne, les magouilles électoralo-personnelles de ce Hollande et sa clique de mous intéressés… couplet connu de la chanson fredonnée à bouches plus ou moins fermées depuis le Hollande bashing, dont les répliques font le menu de notre cantine républicaine. Certes. Quoique… Tout semble avoir été, de fait, un même panier, qu’a porté – un bras, puis l’autre – notre président. La réaction si juste et appropriée de novembre-décembre ; la capacité à mettre en place les moments d’exception d’un État d’urgence, et – dans la même partition – en même temps, donc, la perception de la possibilité de (piéger ?) entraîner la Droite républicaine et son propre programme. La symphonie sécuritaire et – diront les plus pessimistes – son instrumentalisation. Quelqu’un, que connaissait bien François Hollande, excellait dans l’exercice ; Mitterrand, bien entendu. Mais Hollande n’est pas Mitterrand, et la période est toute autre. Quelqu’un d’autre, que – j’en suis presque certaine – Hollande n’a jamais lu, a conceptualisé la chose : Machiavel. Mais Hollande n’est pas… Il n’est qu’un président « normal », honnête et industrieux, comme on disait aux temps passés, qui maintient (c’est bien là qu’on voit son honnêteté, car sinon il aurait fissa retiré le projet) un élément, qui lui semble cohérent, de sa politique face au Monde, tel qu’il se présente. L’Assemblée Nationale l’a suivi, sans excès d’enthousiasme ; le Sénat ? quant aux 3/5 du Congrès en Mars… très peu de chances. Après, les cartes seront sur la table : a-t-on fait ce qu’il fallait ? A-t-on cherché à tricher ? Y-a-t-il un exécutif ? respectable et respecté ? dans ses essais, ses échecs, sa politique, quoi !