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Front National : sa sociologie politique

Depuis la relative « défaite » du Front National lors de la phase électorale de l’année 2017, en raison d’un score décevant (environ 34% des suffrages exprimés lors du second tour des présidentielles face à Emmanuel Macron), et en liaison directe avec un débat catastrophique pour Marine Le Pen contre le candidat du mouvement En Marche, rien ne va plus au sein du parti d’extrême droite français. Ceci est d’ailleurs tout à fait normal étant donné ce qui vient d’être dit. Mais, il y a autre chose à préciser : c’est le fait qu’en général l’extrême droite est toujours divisée en de multiples chapelles. Or, avec Jean-Marie Le Pen, puis sa fille Marine, sans oublier Marion Maréchal Le Pen, la « sauce » de l’unité avait pris. Pourquoi ? Eh bien principalement pour deux raisons : d’abord un contexte de « crise systémique » (ou globale), dont profite le Front National, et ensuite la présence effective d’un chef (ou d’une cheffe) vu(e) comme étant charismatique. J’ajoute que si rien ne va plus au sein du Front National – avec récemment l’éviction/départ de Florian Philippot –, c’est lié à des considérations au demeurant fort intéressantes de sociologie politique, notamment électorale. C’est à ces questions que je vais m’intéresser en essayant de les analyser. Il y a en réalité deux fronts nationaux sur le plan sociologique et géographique, qui ont certes en commun plusieurs thématiques : sur l’immigration, l’identitarisme, le sécuritarisme, et le nationalisme. Mais ils sont aussi totalement opposés à plusieurs niveaux, dont ceux liés à la sociologie électorale. Le premier Front National, dans l’ordre chronologique, celui du sud, et surtout du sud-est, bourgeois, ou « petit blanc », est avant tout « identitaire » et notamment de culture catholique « traditionnaliste » voire « intégriste ». Le second Front National, toujours chronologiquement, apparu plus tardivement, dans les régions du nord et du nord-est, un parti frontiste à coloration « sociale », celui des régions populaires sinistrées économiquement par les conséquences négatives de la mondialisation ultra-libérale, puis néo-libérale, avec un chômage qui n’a pas été assez combattu par la création d’emplois nouveaux. Il y a là un danger extrême d’éclatement, à terme, pour le Front National. Et ceci d’autant plus que deux dirigeants (très opposés, et même hostiles l’un par rapport à l’autre) incarnaient cette dichotomie : Marion Maréchal Le Pen (dans le prolongement des positionnements idéologiques de son grand-père Jean-Marie), en ce qui concernait le Front National du sud et du sud-est, et Florian Philippot pour l’autre Front National du nord et du nord-est. Or, quel est le Front National qui peut être vu comme ayant été mis en échec par rapport au score réalisé par Marine Le Pen lors des élections présidentielles d’avril-mai 2017 ? Evidemment celui du sud et du sud-est, tenté, au niveau d’une partie de son électorat, par le vote pour François Fillon (malgré le Fillongate et le Penelopegate), avec le fer de lance, du type passerelle ponctuelle sur le plan idéologique, des catholiques réactionnaires de « Sens commun ». Là est le problème crucial, voire le déclin potentiel, pour le Front National, au profit de la droite dure qui s’organise actuellement autour de Laurent Vauquiez, d’Eric Ciotti, etc. Par contre, et alors qu’il vient de partir (évincé ?), Florian Philippot (qui, ne faisant pas partie de la PME des Le Pen, était perçu par beaucoup comme un corps étranger qu’il faudrait éliminer à tout prix un jour) a représenté une « ligne » qui a fait progresser le Front National en voix et en % des suffrages exprimés dans les régions du nord et du nord-est, à base populaire. Voilà pourquoi « Le Vieux » (Jean-Marie Le Pen) aurait tort de se réjouir du départ de Florian Philippot, car c’est la « ligne » de ce dernier qui aurait pu faire encore progresser l’extrême droite frontiste sur une base quasiment « néo-mussolinienne » (des origines), version 2017… Les conséquences à moyen et long terme de cette division à l’intérieur du Front National ne pourront sans doute qu’entraîner l’implosion de ce parti, surtout si l’on ajoute à la question liée aux considérations de sociologie électorale tout ce qui tourne autour des conceptions économiques. En effet, on a bien vu, pendant la campagne des présidentielles, la difficulté qu’avait eue Marine Le Pen pour envisager, sur une idée saugrenue de son allié Nicolas Dupont-Aignan, un retour au franc pour les Français (en quittant la zone euro), tout en utilisant une autre monnaie pour les entreprises (l’écu)… ! D’ailleurs, cela coûta très cher à la candidate frontiste sur le plan électoral, notamment au niveau du report de l’électorat filloniste – qui aurait pu la rejoindre sur des bases liées à l’identitarisme, au sécuritarisme, et en liaison avec « Sens Commun ». De plus, on sait que, depuis 2011 (lorsque Marine Le Pen succéda à son père à la tête du parti), deux « lignes » existent sur le plan de la conception globale de politique économique, puisqu’on était passé d’un parti frontiste favorable au libéralisme (voire à l’ultralibéralisme), à l’époque de Jean-Marie Le Pen, à un Front National quasiment anticapitaliste, et ceci sous l’impulsion du groupe structuré autour de Florian Philippot, soutenu par Marine Le Pen – tout en tentant de maintenir un impossible équilibre entre les deux grandes « sensibilités » idéologiques de son parti sur ce point. Une telle situation politique est devenue absolument intenable pour le Front National, car même si Florian Philippot va jouer son propre jeu en solo dans le cadre du « Mouvement des Patriotes » (?), il est évident que les deux « tendances » citées ci-dessus continueront d’exister au sein du parti frontiste. Dans l’absolu, il ne serait donc pas impossible que, sur le long terme, l’aile historique conservatrice du Front National se rapproche progressivement de la partie dure de la droite classique pendant que son aile néo-mussolinienne finisse un jour par se retrouver aux côtés d’une partie des mélenchonistes (au nom de « l’anti-système »), dans la mesure où Jean-Luc Mélenchon a dérivé de plus en plus du souverainisme vers une sorte de quasi-nationalisme… (?). Il est évident que, si cela se produisait, il faudrait attendre pour avoir une réponse à cette question. Si la réponse était un jour vraiment positive, le parti d’extrême droite français éclaterait et retrouverait la tendance naturelle de ce type de structure politique : à savoir la division entre de multiples chapelles se combattant avec âpreté les unes les autres…

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