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La fin du Christianisme en terre d’Islam ?

Je reprends évidemment le titre de l’ouvrage de Shmuel Trigano, La fin du Judaïsme en terre d’Islam . La question, en effet, se pose en des termes aussi crus : « le Christianisme peut-il mourir au lieu même où il est né ? » s’interroge Jean-François Colosimo, professeur à l’institut de théologie orthodoxe Saint Serge, à Paris. Depuis la parution de son essai, la situation s’est aggravée dans des proportions dramatiques, au point que tous les patriarches des églises d’Orient – catholiques comme orthodoxes – ont, fait rarissime, publié un communiqué commun : « Chrétiens et musulmans ont le devoir de faire face ensemble au péril pour transmettre aux générations futures un Moyen-Orient libéré d’un tel fléau, en éclairant les consciences et les intelligences » affirment-ils, au terme de leur réunion, qui s’est tenue au siège patriarcal maronite à Dimant, dans le nord du Liban. Se référant à l’expulsion de plus de 100.000 Chrétiens de la plaine de Ninive, en Irak, par des miliciens du prétendu « État islamique », les patriarches se sont déclarés « épouvantés » par « ces développements désastreux à caractère confessionnel et religieux rarement égalés dans l’histoire ». On est de fait passé de la « dhimmitude » à l’expulsion. Le statut de dhimmitude, de « citoyenneté inférieure que le Coran réserve aux membres des “religions du Livre”, comportant entre autres servitudes un impôt de la foi », a laissé la place à une violence pure et simple. Partout les Chrétiens s’en vont. Au Liban, « deux ressortissants sur trois vivraient selon la rumeur en diaspora et, plus sûrement, un citoyen sur quatre, selon les registres électoraux ; mais qui, sept fois sur dix, est un Chrétien ». En Irak, où trois mille à quatre mille Assyriens et Syriaque fuient Mossoul, l’intervention américaine, assimilée à une croisade, a suscité une véritable « christianophobie » : « purifier l’Irak des chrétiens, écrit Colosimo, revient à éliminer la “cinquième colonne” à la solde de l’envahisseur et de son pire allié qui veut la destruction de l’islam. Aussi n’est-il plus qu’une façon d’être arabe, qui est d’être musulman, et ainsi donc les Chrétiens qui refusent de se convertir sont-ils des traîtres – prédestinés à l’être, à le devenir et à le rester, comme l’induit le Coran qui les accuse d’être originellement des “falsificateurs de la Parole divine” ». Bref du Ferdinand et Isabelle à l’envers… Les Chrétiens avaient pourtant joué à fond la carte de l’arabité, du nationalisme arabe mais laïc, soutenant le parti Baas et ses créatures d’Hafez-el-Assad à Saddam Hussein. Ils s’étaient investis dans l’OLP ; « Ce sont eux, dit Colosimo, qui se firent les champions de l’intransigeance. Ce sont eux qui formèrent les fronts du refus, extrémistes et marxisants, celui “populaire” et prosoviétique de Georges Habache, celui “démocratique” et prochinois de Nayef Hawatmeh, les deux hommes ayant en commun leur origine grecque-orthodoxe et leur abandon à une dérive terroriste ». Là, le Hamas a changé la donne : « le panarabisme a voulu diluer l’islam, le panislamisme élimine le christianisme (…) pour eux (les islamistes), les chrétiens sont de trop en tant que leur simple présence freine le progrès de l’intolérance – en ce qu’elle fait obstacle à la conversion des musulmans ordinaires qu’il faut persuader de l’intransigeance de l’Ineffable dont le quatre-vingt-et-unième nom, sur les cent-moins-un que dénombrent les oulémas, est le Vengeur ». Le plus navrant, peut-être, demeure le sort réservé aux Coptes d’Égypte, « les émeutes s’enchaînent et connaissent de graves pics en 1988, 1990, 1999 et 2000. Entre temps, de cible adjacente, les Coptes sont devenus la cible principale de la terreur islamiste ». Désormais ils quittent leur terre natale. Terrible exode. Les Coptes, les plus égyptiens des Égyptiens, dont la langue liturgique (maintenant abandonnée au profit de l’arabe) dérive directement de l’égyptien ancien et a permis à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes, délaissent le pays des pharaons. Reste à analyser les raisons profondes de cette haine. Le souvenir des croisades (dont les Chrétiens d’Orient furent totalement innocents) a, sans nul doute, joué un rôle. Mais la création d’Israël, en 1948, ne doit pas être sous-estimée. De même que les islamistes rêvent d’un Moyen-Orient « Jude rein » (et de fait, ainsi que le décrit fort bien Trigano, les communautés juives millénaires de la région, telle celle – fameuse – d’Alexandrie, ont presque totalement disparu), de même, ils veulent que cette partie du monde soit « Christ rein ». D’abord les Juifs, puis les Chrétiens. Le scénario se répète. Déjà les SS prévoyaient l’extermination des Chrétiens, une fois qu’ils en auraient fini avec les Juifs. « L’exode passe, conclut Colosimo, salut du corps, non pas salut de l’âme ». Et d’ajouter : « l’exode n’est que le début d’une fin sans fin pour les Chrétiens d’Orient, et l’absence de borne à leur supplice clôt la malédiction sans l’éteindre ».

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