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Non-mixité ou féminisme séparatiste ?

Émotion à Nuit Debout : la commission « féminismes » dédouble ses réunions ; il y en a de mixtes et de non-mixtes (réservées aux « meufs et minorités de genre », autrement dit aux transsexuels), d’où les hommes sont exclus. Les « nuitdeboutistes » mâles protestent : « je n’accepte pas, s’exclamait l’un d’eux l’autre jour, d’être dépossédé du débat et d’être choisi pour cible ! Si vous rentrez dans une logique d’exclusion et de séparation, ce n’est plus Nuit Debout, c’est Mort Debout ! ». Réplique des nuitdeboutistes féministes : « la non-mixité choisie, ce n’est pas pour se retrouver entre femmes, mais entre personnes socialement dominées et opprimées. Il faut des espaces pour que les dominés puissent prendre conscience des pratiques d’oppression et s’exprimer, sans la présence des dominants ». Afin que les choses soient claires, ces dames ont même publié une manifeste qui met les points sur les « i » : « ces espaces sont indispensables pour mettre en lumière, par un effet de miroir, l’existence d’autres espaces non-mixtes, dont les femmes étaient et sont encore souvent exclues : les cercles de pouvoir, les assemblées parlementaires, les organisations politiques, etc. Ils permettent l’existence momentanée d’une parole délivrée du poids vécu de l’oppression et la création de liens de solidarité essentiels à la poursuite de la lutte ». Il ne s’agit pas d’écarter les hommes ? Vraiment ? Le « séparatisme » a pourtant une longue histoire. Déjà en 1983, l’Américaine Marilyn Frye écrivait, dans un livre intitulé The politics of reality : essays in feminist theory  : « la séparation féministe, naturellement, consiste à se séparer, de diverses manières, des hommes et des institutions, des relations, des rôles et des activités, définis par les hommes, dominés par les hommes et opérant au seul bénéfice des hommes ». Certaines extrémistes, notamment lesbiennes, allant jusqu’à considérer la virilité en soi – fût-elle non machiste – comme une anomalie. Ainsi Jill Johnson, dans un ouvrage au titre sans équivoque, Lesbian nation  : « l’homme est complètement déphasé par rapport à la nature. La nature est femme. L’homme est un intrus ». Évincer le dominant ou supposé tel impliquerait également dans sa logique la formation de comités exclusivement composés de noirs, de maghrébins, de sans-papiers, etc. etc. La sociologue Christine Delphy, co-fondatrice du MLF, en 1970, rappelle, à cet égard, que la chose a effectivement existé, aux États-Unis, au moment de la lutte pour les droits civiques : la « fermeture » aux blancs était, en vérité, « une condition pour que l’expérience des Afro-américains puisse se dire, sans crainte de faire de la peine aux bons blancs ». La même Christine Delphy dit, d’ailleurs, tout de go, dans un billet publié sur le site lmsi.net, La non-mixité : une nécessité politique  : « La non-mixité est d’abord une imposition du système patriarcal, qui exclut les femmes par principe, en les considérant comme ne faisant pas partie de la société politique –  de jure  en France jusqu’en 1945, ou aujourd’hui  de facto  ». Raisonnement classique, qui justifie tout et n’importe quoi : la violence contre les policiers s’explique par les violences policières, le terrorisme naît du terrorisme de l’état, et, en l’occurrence, la non-mixité ne fait que répondre à la non-mixité originelle du patriarcat oppressif. En réalité, la non-mixité est bel et bien une exclusion. Sur le modèle de la lutte des classes (exclure le bourgeois), elle introduit une lutte des sexes. Lutte pour le pouvoir évidemment. A domination, domination et demi. Le matriarcat, das Mutterrecht , pour reprendre la formule célèbre de Bachhofen, se borne à inverser le patriarcat, tout en reproduisant son ostracisme. En un mot, le contraire de l’égalité ; car, à l’évidence, l’on ne saurait combattre une inégalité en en créant une autre.

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