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Poutine veut-il la guerre ?

La question ukrainienne pose depuis pas mal de temps déjà une question angoissante : le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, veut-il la guerre ? D’abord, avec le soutien qu’il apporte aux séparatistes russophones ukrainiens ; ensuite par une éventuelle annexion qu’il pourrait vouloir faire (au moins pour une partie du territoire de l’Ukraine) ; et enfin (par voie de conséquence), en fonction des considérables risques que son attitude risquerait d’entraîner, de guerre (à terme) avec l’Occident ! Cette interrogation est tellement forte qu’une réunion présentée comme celle « de la dernière chance » se tient actuellement à Minsk (en Biélorussie) ; une réunion pendant laquelle François Hollande, Angela Merkel, Petro Porochenko (président ukrainien depuis 2014) et Vladimir Poutine vont tenter une négociation diplomatique. Cela dit, il est évident que le dirigeant russe semble, depuis longtemps, se situer dans une logique d’affrontement du type « bras de fer » avec les Européens et  les Américains… ! On sait que Poutine mène depuis des mois et des mois des actions en Ukraine, en aidant, par l’armement et au niveau logistique, les séparatistes de la partie orientale de ce pays à s’opposer au gouvernement légitime – dont Porochenko est le principal représentant ; il est même évident que des soldats russes sont intervenus directement (du type forces spéciales) – ce qui est moins qu’un secret de polichinelle ! Mais alors, pourquoi cette attitude et quels sont ses objectifs ? Rappelons-nous que le président de la Fédération de Russie avait déjà mis la main – par une annexion pure et simple – sur la Crimée, avec deux arguments géopolitiques : d’abord, la présence de nombreux russophones dans cette région et ensuite en rapport avec l’obsession qu’ont toujours eue les responsables russes (au moins depuis la tsarine Catherine II) d’accéder aux « mers chaudes » (la Mer Égée et le reste de la Méditerranée), par l’intermédiaire d’un contrôle total sur des bases maritimes en Mer Noire (Sébastopol en tout premier lieu). Ce qui est certain, c’est que Poutine a utilisé, pour la Crimée, et continue d’utiliser en ce qui concerne la partie orientale de l’Ukraine, l’argument de la présence de russophones (qu’il faudrait, en l’occurrence « libérer » de la tutelle du gouvernement siégeant à Kiev). Tout le problème réside dans le fait de savoir jusqu’où le président russe est prêt à aller. Et, à ce niveau, deux cas de figure se présentent. Soit il considérera, en fonction de l’importance des interdépendances économiques dans le monde « globalisé » actuel, qu’il faut pousser ses avantages au maximum, mais sans aller trop loin, car cela pourrait coûter très cher économiquement à son pays. Soit, au contraire, il engagera une sorte de fuite en avant politique de type nationaliste, en considérant que la Russie ayant actuellement des problèmes économiques importants (avec notamment les grandes difficultés du Rouble) la seule carte valable lui restant serait la mobilisation générale de son peuple pour un grand mouvement « libératoire » de tous les russophones présents hors de la Fédération de Russie et qui faisaient partie de l’ancienne URSS… A ce niveau, la grande question qui se pose est probablement celle de la nature profonde du régime russe poutinien. Je dirais qu’il s’agit – dans la forme – d’un mélange de « néo-stalinisme » (sans communisme, bien sûr) et de « néo-tsarisme » ; c’est-à-dire d’un système pas vraiment totalitaire, mais très autoritaire (ce qui n’est pas rassurant du tout pour les responsables ukrainiens et les dirigeants occidentaux !). Cela dit, il ne faudrait pas voir ce régime comme étant uniquement centré sur un homme (à l’image d’une sorte de « bonapartisme autoritaire » russien). En effet, un certain nombre de spécialistes ont pu constater que Vladimir Poutine se trouvait situé actuellement – au niveau de ces questions de politique extérieure – entre des « faucons » et des « colombes », au sein de la nouvelle « nomenklatura » de sa nation fédérale. Il semble globalement que, pris entre les « politiques » (plutôt « faucons ») et les « économiques » (généralement « colombes »), il tente de se placer dans une position de synthèse – assez difficile à gérer pour lui (?). Deux autres points fondamentaux méritent d’être posés. D’abord, celui de savoir ce que pourraient gagner et perdre Poutine et l’équipe dirigeante russe en cas d’une situation qui dégénérerait avec les Occidentaux – à propos de l’Ukraine. Ensuite, celui consistant à tenter de bien cerner ce qu’est la personnalité profonde de Poutine. Doit-on le voir un peu comme un quasi Hitler, prêt à faire des russophones ukrainiens l’équivalent de ce qu’avaient été les Sudètes (de Tchécoslovaquie) en 1938 pour celui-ci – ce qui avait progressivement abouti à la politique d’expansion de la « Grande Allemagne » –, ou bien comme quelqu’un cherchant à pousser un rapport de force négocié le plus avantageux possible pour les intérêts de son pays ? De même, doit-on le voir, tel que l’était le « Führer », comme un psychopathe prêt à toutes les folies, ou bien seulement à l’image d’un « Monsieur muscle » voulant seulement redonner tout son lustre à son pays – en rapport avec la nostalgie liée à la puissance russe de l’époque soviétique ? Dans l’état actuel des choses, et sans préjuger des résultats plus ou moins positifs (ou non) de la rencontre de Minsk, on peut peut-être penser que ce que Poutine et la nouvelle équipe dirigeante russe veulent avant tout éviter, c’est que l’OTAN continue – comme à l’époque des présidents américains Bush – de pousser ses « pions » au détriment de la Fédération de Russie. Ils tiennent aussi (farouchement) à reprendre une certaine influence à la fois sur ce qu’ils nomment leur « Proche étranger » (les anciens pays satellites de l’URSS) et dans la politique mondiale. Il s’agit enfin aussi pour eux de museler leur opposition intérieure en « soignant » le sentiment d’humiliation du peuple russe depuis l’effondrement du système soviétique. Et voilà pourquoi, selon moi, du moins, les dirigeants de ce grand pays-continent ne prendront pas les risques d’un affrontement grave avec l’Occident européen et américain – qui ne manquerait pas en effet de déboucher sur une nouvelle véritable guerre froide pouvant elle-même déboucher sur une troisième guerre mondiale ! Ceci d’autant plus que la Russie est un allié objectif des Occidentaux dans la lutte contre le terrorisme islamiste, comme le montrent bien les problèmes qu’ont connu les dirigeants russes tout particulièrement par rapport à la Tchétchénie. Au moment où j’écris ces lignes (le 12 février aux alentours de midi), je viens d’apprendre que la rencontre de Minsk a abouti, après un véritable marathon de négociations (qui a duré 16 heures), à un cessez-le-feu (dès le 15 février) et au retrait des armes lourdes le long de la ligne de front. Cette négociation a été qualifiée par Vladimir Poutine « d’accord sur l’essentiel », François Hollande, quant à lui, évoquant « un règlement politique global » tout en tempérant cette formule par une autre, à savoir « Un espoir sérieux même si tout n’est pas encore accompli ». Un cessez-le-feu de ce type avait déjà eu lieu en septembre dernier et n’avait tenu qu’une journée. La question est donc de savoir si celui qui vient d’être prévu sera viable, en fonction surtout de la façon dont les séparatistes du Donbass vont se comporter dans les jours ou les semaines à venir…

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