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Protection ou Censure ?

Les rixes aux décours des manifestations pro-palestiniennes posent un problème de libertés publiques : jusqu’à appliquer le principe de précaution sans porter atteinte au droit – constitutionnel (art. 10 de la Déclaration des droits de 1789, préambule de la constitution de 1958) – de manifester. D’un côté, la guerre de Gaza tourne au massacre : les « dégâts » collatéraux deviennent complètement disproportionnés par rapport à l’objectif initial, protéger le territoire d’Israël ainsi que les colonies des territoires. L’émotion est donc compréhensible et doit pouvoir s’exprimer. De l’autre, l’antisémitisme flambe. Ou plutôt les antisémitismes. Celui des banlieues, par solidarité – à la fois ethnique et religieuse – aux « frères » palestiniens ; mais également celui de la gauche de la gauche. La lecture des commentaires faits sur Mediapart est, à cet égard, édifiante : toutes les nuances de la judéophobie s’y donnent libre cours, jusqu’à ressortir une vidéo de la conférence de presse de De Gaulle, où celui-ci parle du « peuple sûr de lui et dominateur ». Il est clair que des attaques de synagogues et des pillages de magasins casher ont eu lieu. Le rôle de la Ligue de Défense Juive et de ses éventuelles provocations ne retire rien à la déferlante haineuse à l’encontre d’Israël et de la diaspora, supposée manipuler – le fameux mythe du complot juif ! – les gouvernements, à commencer par le gouvernement français. L’interdiction des manifestations a été contre-productive en ce sens que, loin de la contenir, elle a exacerbé la poussée antisémite. Mieux aurait valu de négocier point par point l’itinéraire des cortèges, de telle sorte qu’ils évitent les quartiers et les lieux susceptibles d’exciter la violence. Il reste que les prises de position – très fermes – de Manuel Valls se justifiaient entièrement. Même si tous les manifestants ne sont pas antisémites, le simple fait qu’ils entendent des slogans anti-juifs (et pas seulement anti-israéliens), qu’ils voient quantité de gens faire des quenelles à la Dieudonné, et que, malgré tout, ils demeurent dans lesdites manifs, fait d’eux des complices par omission de la haine des autres. Il faut donc laisser la réprobation de l’hécatombe gazaouie se clamer dans les rues. Mais aussi mettre en garde les défenseurs sincères des droits de l’homme contre une dérive dangereuse : de la critique – légitime – de Netanyahou, on passe aisément aux appels au boycott, non seulement des productions des colonies, mais des marchandises israéliennes en général, voire aux thèses complotistes impliquant les communautés juives. On doit pouvoir protéger sans avoir à censurer.

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