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En Guyane, l’Education Nationale à la traîne

Alors que les vacances de Pâques arrivent à grand pas, le collège Gran Man Difou, situé dans la paisible bourgade de Maripasoula, aux fins fonds de l’Amazonie, en Guyane, se révèle emblématique de l’impasse dans laquelle se trouve une des académies les plus sinistrées de France. Près d’un mois sans cours Dans ce collège classé REP (réseau d’éducation prioritaire), la plupart des enseignants sont contractuels, le suivi des élèves est peu rigoureux, l’absentéisme est légion, une partie du budget destiné aux équipements disparaît mystérieusement chaque année. Depuis un mois, l’établissement est en train de se tailler une renommée dans toute la Guyane grâce à la presse du département , suite à une loufoque histoire de puces et de chiques – minuscules bestioles amazoniennes pouvant faire de sérieux dégâts aux pieds – disséminées dans le collège suite à la présence de chiens errants. Depuis le 27 février dernier en effet, le personnel et les élèves ont régulièrement été renvoyés à la maison pour être priés de revenir le jour suivant ou un autre jour, et apprendre ce jour-ci qu’il fallait encore attendre car le collège n’avait pu se débarrasser des petites bêtes. Un vrai manque de transparence Traitement des puces avec du produit anti-moustique ou avec du savon, les rumeurs sur cet échec de l’homme face à mère nature sont allées bon train. Le personnel et les parents d’élèves se demandent d’ailleurs pourquoi ce problème de bestioles n’a pas été traité pendant les vacances de février, sachant qu’il avait été signalé près de deux mois avant ces dernières. Mais après un mois de lutte, et de quelques heures de cours miraculeusement dispensées çà et là, les enseignants et les élèves ont été priés de revenir, pour de bon cette fois : le mardi 20 mars, c’était officiel, l’homme avait enfin gagné : six chiens errants – maudites bêtes – avaient été attrapés à bras le corps pour être expulsés du collège. Et selon les dires du principal du collège lors d’une réunion dans la salle des professeurs, «  il ne restait, après vérification, plus aucune puce dans l’établissement  ». Grâce à quel produit ? La direction, bien qu’elle «  n’ait rien à cacher  » selon ses dires, a rechigné à répondre à la simple question d’une enseignante lors de la même réunion : «  quel produit a-t-il été utilisé ?  ». Ce qu’on savait, c’est que ce n’était pas du bon vieux Baygon , ce dernier étant prohibé dans un collège de la République. Des élèves qui se plaignent de ne pouvoir aller en cours De toute façon, ce mardi 20 mars, les joies du collège pouvaient enfin recommencer : les professeurs allaient reprendre une vie normale (et pour certains, cesser de noyer leur ennui au bistrot), les 700 élèves – dont certains, fussent-ils peu studieux, avaient été jusqu’à déclarer devant le portail : «  c’est encore fermé, j’en ai marre  » – allaient pouvoir retourner chahuter leurs professeurs avec leurs camarades. Plus sérieusement, tout le monde semblait ravi : les professeurs allaient enfin cesser de se faire traiter de fainéants par leurs concitoyens, et les élèves allaient cesser de s’ennuyer à la maison. Seulement voilà que le jour-même, des élèves sont pris de maux de têtes, d’irritations, de rougeurs aux bras, de douleurs oculaires, de vomissements. Et l’on apprend alors officiellement que les salles furent traitées avec de la deltaméthrine, puissant poison aux normes de l’Union Européenne mais généralement utilisé… pour l’agriculture. Pour la sûreté des bambins, le collège a donc dû à nouveau fermer. Un tiers d’heures de cours perdues Une fois encore, le personnel et les élèves ont appris la nouvelle le matin même, à 7h30. Ceux-ci se sont vu refuser l’entrée, priés de revenir le lendemain pour de nouvelles (més)aventures. Et comme toujours, l’établissement n’a pas prévenu les parents, fussent-ils parents de gosses de onze ans, et on a laissé ces derniers disparaître dans la nature jusqu’au lendemain. L’épisode des puces est la goutte qui fait déborder le vase. Dans une lettre ouverte au principal du collège , des parents d’élèves relèvent que depuis septembre, un tiers des heures de cours ont été perdues à cause de postes non pourvus, d’absences de certains enseignants, de formations sur Cayenne, etc. Et maintenant à cause des puces. De quoi s’inquiéter sérieusement pour l’avenir de leurs enfants : le Diplôme National du Brevet arrive dans moins de trois mois. Habitués à une rigueur chancelante et à une ambiance pour le moins relâchée, les élèves qui iront au lycée à Cayenne risqueront logiquement d’être à la traîne. Et l’académie de Guyane étant l’une des plus cancres de France (devant Mayotte cependant), ceux qui iront poursuivre des études supérieures en métropole ne joueront pas à armes égales avec leurs camarades. Aux dires de nombre d’habitants du village, la situation du collège s’envenime d’année en année. Les inégalités risquent donc de s’aggraver.

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